Des ordinateurs quantiques encore plus puissants

Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point une technique pour lire plusieurs qubits en même temps, cette plus petite unité de stockage et de traitement d’information quantique. Cette étude ouvre la voie à la conception d’ordinateurs quantiques toujours plus performants.
Trois inducteurs de résonateur fonctionnent à des fréquences différentes et lisent une matrice de 3x3 boîtes quantiques. © 2022 EPFL

«Les ordinateurs quantiques les plus puissants sont détenus par les géants IBM et Google. IBM possède un ordinateur quantique avec 127 qubits et Google, 53 qubits», déclare Edoardo Charbon, professeur et directeur du laboratoire d’architecture quantiques avancées (AQUA Lab) de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL. Aujourd’hui, les ingénieurs ne peuvent pas développer des ordinateurs plus efficaces, la faute au nombre limité de qubits. Un groupe de scientifiques de l’EPFL et de Grande Bretagne mené par Edoardo Charbon vient de publier une recherche sur une technique prometteuse pour augmenter significativement la lecture de ces qubits et par conséquent leur nombre. L’étude se trouve dans la revue Nature Electronics.

Biochimie et cryptographie

Un ordinateur quantique ne fonctionne pas comme un ordinateur classique. Au lieu de posséder un processeur et une mémoire séparée, les deux se situent sur la même entité, le qubit. Les ordinateurs quantiques peuvent effectuer des calculs complexes grâce aux principes de superposition et d’intrication quantique, que les ordinateurs classiques ne sont pas capables de réaliser aujourd’hui dans des temps raisonnables. Les ordinateurs quantiques peuvent être utilisés dans les domaines de la biochimie et de la cryptographie, entre autres. Aujourd’hui, les ordinateurs quantiques employés par des groupes de recherche détiennent une dizaine de qubits. «Le défi qui s’offre à nous est de pouvoir augmenter la quantité de qubits afin d’obtenir des ordinateurs encore plus puissants. Nous souhaitons bénéficier de centaines, voire de milliers de qubits», déclare Edoardo Charbon. Seul problème: leur nombre est limité, car il n’existe pas de technologie capable de tous les lire rapidement. «De plus, les qubits vivent à des températures proches du zéro absolu, soit -273.15oC, ce qui rend leur lecture et leur contrôle encore plus difficile à une température ambiante. La solution généralement adoptée est d’utiliser des instruments à température ambiante dont chaque qubit est contrôlé individuellement», ajoute le scientifique.

«Une totale nouveauté»

Andrea Ruffino, doctorant dans le laboratoire d’architecture quantiques avancées, a trouvé un moyen d’interpréter efficacement neuf qubits en même temps. Son concept pourra ensuite être élargi à de plus grandes matrices de qubits. «La solution que je propose est basée sur la fréquence et sur le temps, explique l’ingénieur. L’idée principale est de réduire les connexions et de faire fonctionner trois qubits avec une seule liaison.» Le fait que l’EPFL ne possède pas d’ordinateur quantique n’a pas freiné le doctorant. Il a également trouvé un moyen pour reproduire des qubits afin de s’approcher au plus près des conditions de travail avec un ordinateur quantique. «J’ai incorporé des boîtes quantiques, qui sont des nanostructures de semi-conducteurs, à un transistor. Cela donne le même résultat qu’avec des qubits», indique-t-il. Il est d’ailleurs le premier chercheur de AQUA Lab à soumettre une thèse sur ce sujet. «Andrea Ruffino a montré que sa technologie fonctionne sur un circuit intégré sur une puce conventionnelle et à des températures proches de celles des qubits. Il s’agit d’une totale nouveauté qui pourra un jour permettre la réalisation de grandes matrices de qubits intégrés avec l’électronique nécessaire. Les deux pourront interagir d’une façon simple, efficace et reproductible», complète Edoardo Charbon.