Faible puissance, effet grandiose: comment les planètes pourraient impacter le soleil

Une nouvelle théorie vient étayer l’hypothèse controversée de l’influence des planètes sur l’activité solaire. Elle démontre un mécanisme selon lequel l’influence très faible des planètes peut imposer son rythme à un système aussi vaste que le système solaire. Si cette théorie se confirme, il serait peut-être plus aisé de prédire l’activité solaire. Cela s’avèrerait très utile étant donné que les grosses éruptions solaires peuvent paralyser les infrastructures électroniques.
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En 2012, le professeur Jürg Beer, chercheur à l’Eawag et à l’ETH Zurich publiait l’hypothèse que les planètes peuvent influencer l’activité du soleil. À l’aide de données sur le béryllium issu de carottes glaciaires et en collaboration avec des chercheuses et chercheurs espagnols et australiens, il a reconstitué les cycles de l’activité solaire des 10’000 dernières années et les a comparés avec le mouvement des planètes autour du soleil. La correspondance était étonnante. L’activité solaire et le mouvement des planètes présentaient des rythmes similaires. Cela suggérait une interaction. Ce résultat a nourri l’espoir de pouvoir prédire les fluctuations cycliques de l’activité solaire sur la base des mouvements planétaires connus. Cela serait d’un intérêt majeur, car en période de forte activité solaire, les grandes éruptions solaires sont plus fréquentes et peuvent paralyser les réseaux électriques ainsi que les satellites de communication et de navigation.

Une nouvelle explication pour une hypothèse controversée

Pourtant, l’hypothèse du professeur Beer est très controversée dans le milieu scientifique. Beaucoup de chercheuses et chercheurs étaient et restent convaincus que l’influence des planètes serait beaucoup trop faible pour exercer un effet démontrable sur l’activité solaire. Mais à présent, Carlo Albert, responsable du groupe Méthodes mathématiques dans la recherche environnementale, a trouvé avec des collègues chercheuses et chercheurs suisses et espagnols une explication sur la façon dont le minuscule impact des planètes peut influencer le soleil beaucoup plus gros: la résonance stochastique. Sous certaines conditions, ce phénomène peut amplifier les signaux périodiques généralement faibles de telle manière qu’ils ont alors des conséquences considérables.

Alors, qu’est-ce que cela signifie pour le soleil et l’influence des planètes? L’activité solaire suit un cycle clair de 11 ans. C’est connu et incontestable. Mais il existe d’autres cycles. «Avec des modèles mathématiques simples, nous avons pu démontrer qu’en principe, le soleil connaît deux états stables d’activité dans un cycle de 11 ans: un état actif de grande amplitude avec une activité solaire intense, et un état plus calme de faible amplitude avec peu d’activité solaire», explique Carlo Albert. La science parle d’un système bistable. «Nous supposons qu’en raison des turbulences à l’intérieur du soleil, celui-ci oscille entre ces deux états.» Sachant que les turbulences sont aléatoires, on s’attendrait à ce que cette oscillation se fasse de manière complètement irrégulière et non prévisible.

Les planètes donnent le tempo

«Néanmoins, les données de mesure de l’activité solaire dont nous disposons laissent supposer que le passage d’un état à l’autre n’est pas le seul fruit du hasard, mais suit fréquemment un rythme d’à peu près 200 ans», précise Carlo Albert. Cela veut donc dire qu’en plus du cycle de 11 ans, il existe un autre cycle superposé de 200 ans. Jürg Beer et ses collègues avaient supposé que l’influence des planètes était à l’origine de cet autre rythme. Mais cette influence est pourtant extrêmement faible. Carlo Albert et ses collègues ont à présent découvert un phénomène qui amplifierait cette influence. Dans des conditions appropriées, un bruit dans un système bistable peut considérablement amplifier l’influence d’un facteur périodique – on parle de résonance stochastique. Les turbulences à l’intérieur du soleil (le bruit) renforceraient la faible influence des planètes (le facteur périodique). Les planètes imposeraient donc leur tempo à l’oscillation aléatoire du soleil entre les deux états d’activité et dicteraient le rythme de l’activité solaire.

Les chercheuses et chercheurs ont à présent publié cette nouvelle théorie sur un possible mécanisme dans la revue scientifique renommée Astrophysical Journal Letters. Lors d’une prochaine étape, ils étudieront dans quelle mesure les observations de l’activité solaire au cours des siècles passés peuvent être calculées. Cela permettrait de renforcer la théorie, mais aussi de franchir une nouvelle étape, à savoir la prédiction de l’activité solaire pour les décennies et les siècles à venir.

À la transition vers une phase de faible activité solaire?

Une telle prédiction serait d’un grand intérêt. Car en ce qui concerne l’activité solaire, nous vivons actuellement une période passionnante. «Selon l’hypothèse de Jürg Beer, étayée à présent par notre théorie, nous arrivons au terme d’une phase active de grande amplitude du cycle de 11 ans. Nous devrions nous diriger lentement vers une phase plus calme», déclare Carlo Albert. Ce type de phase est aussi appelé grand minimum solaire. Et il existe en effet de premiers indices indiquant que le cycle de 11 ans s’affaiblit. «J’observe actuellement l’évolution de l’activité solaire tous les deux ou trois jours», explique Carlo Albert. «Il faudra cependant encore quelques années pour être certains que le soleil se trouve vraiment à nouveau dans un grand minimum.»

L’évolution de l’activité solaire est intéressante avant tout car la dernière apparition d’un grand minimum, il y a environ 400 ans, peut être mise en corrélation avec une petite période glaciaire dans deux régions d’Europe, même si cette corrélation n’a pas encore été prouvée de façon univoque. «Un affaiblissement de l’activité solaire serait naturellement souhaitable au vu du changement climatique», précise Carlo Albert. «Malheureusement, et s’il se concrétise réellement, il ne pourra pas compenser le réchauffement dû à l’activité humaine, seulement le ralentir un peu provisoirement dans le meilleur des cas. On ne pourra donc pas échapper à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre.»