Un test COVID-19 détecte des anticorps dans une petite goutte de sang

La recherche d’anticorps peut être un outil puissant pour suivre la propagation d’infections par le SARS-CoV2, le virus responsable de la pandémie de COVID-19. Un groupe de scientifiques de l’EPFL, de l’UNIGE et des HUG vient de développer un test d’anticorps fiable et bon marché qui permet d’analyser plus de 1000 échantillons à la fois et ne nécessite qu’une petite goutte de sang, comme celle que l’on obtient à partir d’une piqûre au bout du doigt.
A MITOMI microfluidic device © Sebastian Maerkl / 2021 EPFL

Les personnes infectées par le virus SARS-CoV-2, responsable du COVID-19, produisent des molécules immunitaires appelées anticorps. Les tests d’anticorps COVID-19 détectent la présence dans le sang d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2. Comme ces anticorps peuvent prendre plusieurs jours voire plusieurs semaines pour se développer, les tests d’anticorps ne permettent pas de détecter des infections actives mais ils peuvent aider à la détermination de la proportion de membres d’une communauté infectés par le virus dans le passé. Cette connaissance est utile pour des investigations épidémiologiques et pour l’information des politiques de santé publique. Les tests d’anticorps sont également un puissant outil permettant d’évaluer l’efficacité du vaccin contre le COVID-19 dans des essais cliniques, lorsque les scientifiques suivent la montée des anticorps après l’administration d’un vaccin.

Toutefois, les tests d’anticorps utilisent des réactifs coûteux et nécessitent typiquement de grandes quantités de sang prélevé par une prise de sang veineux, qui ne peut être faite que par du personnel soignant formé. De plus, certains tests en vente sur le marché sont trop imprécis pour fournir des résultats fiables. Des chercheurs de l’EPFL, de l’UNIGE et des HUG viennent de développer un test très précis qui permet d’analyser des centaines d’échantillons à la fois, en utilisant de très petites quantités de réactifs et une seule goutte de sang.

« Le plus gros avantage de notre approche est que l’on peut faire beaucoup de tests à la fois avec un minimum de réactifs, et que l’on peut même demander aux gens de prélever leurs propres échantillons de sang à la maison», déclare Zoe Swank, première auteure de l’étude, ancienne doctorante au Laboratoire de caractérisation du réseau biologique de l’EPFL dirigé par Sebastian Maerkl.

«Le plus gros avantage de notre approche est que l’on peut faire beaucoup de tests à la fois avec un minimum de réactifs, et que l’on peut même demander aux gens de prélever leurs propres échantillons de sang à la maison.»      Zoe Swank

Début 2020, Zoe Swank et Sebastian Maerkl ont fait équipe avec Benjamin Meyer, virologue à la Faculté de médecine de l’UNIGE et collaborateur scientifique à la Division de médecine de laboratoire des HUG, et avec Isabella Eckerle, Professeure à la Faculté de médecine de l’UNIGE et Coordinatrice médicale du Centre des maladies virales émergentes de l’UNIGE-HUG. Ils se sont attelés à la réorganisation d’une plateforme diagnostique qui avait été précédemment développée dans le laboratoire de Sebastian Maerkl, de façon à pouvoir l’utiliser pour faire des tests d’anticorps SARS-CoV-2.

La plateforme, qui peut analyser jusqu’à 1024 échantillons à la fois, consiste en un réseau complexe de très petits tubes taillés dans une puce en plastique de la taille d’une clé USB environ. Pour effectuer le test, les chercheurs introduisent des échantillons de sang individuels et des réactifs dans les canaux de cette puce « microfluide ». Si des anticorps contre le SARS-CoV-2 sont présents dans un échantillon de sang, une molécule génère un signal qui peut être détecté au le microscope sous forme de lueur fluorescente.

Lorsque l’équipe a testé des échantillons de sang de 155 individus infectés par le SARS-CoV-2, le test a détecté des anticorps dirigés contre le virus dans 98% des cas. Le test est aussi extrêmement spécifique: il n’a jamais détecté d’anticorps contre le virus chez des sujets qui n’avaient pas été infectés par le SARS-CoV-2.

Le système microfluide étant très petit, les quantités de sang et de réactifs utilisées ne représentent qu’une fraction de celles requises pour des tests standard d’anticorps anti-COVID-19. En outre, le fait de réaliser des centaines de tests sur une seule plateforme signifie qu’une seule personne peut effectuer plus de tests en moins de temps, permettant de potentielles économies, selon Sebastian Maerkl. « Si vous faites un calcul approximatif en tenant compte de tout, y compris des coûts des salaires et des réactifs, cela revient à environ 0,5 franc suisse par test », dit-il. « C’est quasiment négligeable. »

«Il pourrait même être utilisé pour des régions géographiques éloignées qui ne disposent pas d’une capacité de laboratoire suffisante, par exemple pour mener des études de séroprévalence en Afrique subsaharienne.»      Isabella Eckerle

Pour supprimer la nécessité de prélever du sang veineux, Zoe Swank et ses collègues ont examiné s’ils pouvaient utiliser des échantillons de sang obtenus à partir d’une piqûre au bout du doigt - une procédure simple au cours de laquelle le bout d’un doigt est percé avec une très petite aiguille pour l’obtention d’une petite quantité de sang. Les chercheurs ont testé trois dispositifs de tests sanguins par piqûre au bout du doigt en vente dans le commerce, y compris des bandelettes de test du glucose utilisées chez des personnes atteintes de diabète pour la mesure de leur glycémie.

Le test d’anticorps microfluide a pu être effectué avec succès sur des échantillons de sang prélevés avec les trois méthodes, même lorsque l’on a laissé sécher le sang et qu’on l'a conservé pendant environ une semaine à température ambiante ou lorsque des échantillons ont été expédiés par courrier normal de Genève à Lausanne. L’étude a été publiée dans PNAS.

« L’approche consistant à prélever du sang de façon décentralisée par une simple piqûre au bout du doigt peut même se faire à la maison et un test de laboratoire sophistiqué doté d’une grande précision diagnostique rend ce test très attrayant pour de vastes études épidémiologiques », comme l’explique Isabella Eckerle. « Il pourrait même être utilisé pour des régions géographiques éloignées qui ne disposent pas d’une capacité de laboratoire suffisante, par exemple pour mener des études de séroprévalence en Afrique subsaharienne. » Elle ajoute : « La petite quantité de sang et le prélèvement par piqûre au bout du doigt, rapide et quasiment indolore, rendent également cette méthode très attrayante pour une utilisation chez l’enfant, ce qui offre la possibilité unique d’évaluer les taux de séroprévalence dans des garderies ou des jardins d’enfants. »

Sebastian Maerkl et ses collaborateurs utilisent maintenant le test pour déterminer la prévalence d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 dans des jardins d’enfants à Genève, en collaboration avec Silvia Stringhini et Idris Guessous de l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG et professeurs au Département de santé et médecine communautaires de la Faculté de Médecine de l'UNIGE. « À l’avenir, déclare Sebastian Maerkl, cette technologie pourrait permettre aux gens d’acheter une trousse de prise de sang à la pharmacie ou au supermarché, de prélever leur propre sang par une simple piqûre au bout du doigt et de l’envoyer à un laboratoire central qui analyse les échantillons de sang et renvoie les résultats du test par email ou sur une app de smartphone. »

Il n’y a pas de limite évidente au nombre de tests moléculaires qui peuvent être réalisés à l’aide de la plateforme microfluide de diagnostic, ajoute Sebastian Maerkl. « Nous nous intéressons à l’extension de la plateforme à d’autres types de tests qui permettraient de détecter des biomarqueurs que les gens voudraient mesurer - par exemple les taux de ferritine sanguine chez les sujets souffrant d’anémie », dit-il.